La création en collaboration avec le YI KING n'est d'ailleurs pas nouvelle en occident. Pour ne citer que deux exemples, on peut évoquer les compositions musicales de John Cage et les chorégraphies de Carolyn Carlson.
Plafonds de deux chambres des soins intensifs
La décoration de ces deux plafonds a été placée sous le signe de la solidarité et de la joie symbolisées par deux lacs qui communiquent par un cours d'eau le long duquel les éléments de la vie s'épanouissent.
J'ai placé au centre une table, lieu convivial, symbole de la solidarité humaine, permettant de se nourrir aussi bien matériellement que spirituellement et, de part et d'autre, le long du fleuve, l'homme et la nature qui sont représentés dans une relation positive, particulièrement celle de l'homme et de l'animal.
Chacun des éléments comme la montagne et les champs, les maisons et les agglomérations, les astres et les phénomènes naturels, l'homme et l'animal sont traités par des aplats de couleurs, par des formes simplifiées, comme des signes évoquant d'une manière allusive des symboles vitaux. Ils ont été peints dans des harmonies joyeuses, plutôt pastelles, d'où ressortent les trois couleurs principales exprimant l'élan vital : l'arc-en-ciel, l'éclair, le soleil et de petits accents rouge vif.
Le « marcheur » et l'animal, l'homme « en quête » accompagné de ses instincts, passent devant le labyrinthe dont l'accès au centre est difficile, mais qui comporte une solution menant à la fleur, symbole de l'espoir qui existe dans la pire des situations grâce à la force de la joie et de la solidarité.
Voici quelques extraits synthétiques des réponses du YI KING sur ces plafonds portant sur les chapitres (hexagrammes) 58, LE SEREIN - LE JOYEUX - LE LAC et 64, AVANT L'ACCOMPLISSEMENT :
« Mon image joyeuse ce sont deux lacs reliés l'un à l'autre. Ainsi l'homme noble s'unit à ses amis (...)
Un lac s'évapore dans l'air et s'épuise peu à peu. Mais si deux lacs sont reliés l'un à l'autre, ils s'enrichissent naturellement.
Mon humeur joyeuse est communicative, c'est pourquoi elle entraîne le succès. Mais la joie a besoin d'être fondée sur la fermeté (...) La vérité et la force doivent habiter le coeur tandis qu'au dehors la douceur se manifeste avec les autres (...) On adopte de la sorte l'attitude correcte envers Dieu et envers les hommes et l'on parvient à un résultat (...)
Si l’on gagne le coeur des hommes en se montrant affable on fait qu'ils acceptent de bon coeur les choses pénibles (...)
Quand on conduit le peuple joyeusement il oublie la fatigue.
Quand on affronte joyeusement les difficultés (...), les gens s'encouragent mutuellement (...). Face à l'inquiétude, grand est le pouvoir de la joie sur les humains quand elle est sereine et sincère.
La meilleure manière de passer de la stagnation de l'hiver à la fécondité de l'été est d'apprendre à vivre le début du printemps où rien n'est à sa place mais où le changement se prépare, avant l'accomplissement. »
Zone d'accueil et d'attente des familles des soins intensifs
Pour le projet de cette zone j'ai repris le thème de deux lacs reliés l'un à l'autre sur le plafond du couloir où le visiteur peut se déplacer, et aussi sur le paravent de verre translucide qui reproduit verticalement certains dessins que le patient peut observer sur le plafond de sa chambre.
Par ces rappels j'ai voulu créer entre le visiteur et le malade un lien plus intime dans le temps et l'espace, fait d'anticipation et de mémoire, de sensations visuelles communes sous le signe de cette joie solidaire et sereine qu'on vient d'évoquer.
Quant à l'attente, souvent inquiète, que le visiteur peut passer à l'abri du paravent, elle a été placée sous le signe d'un arbre poussant sur la montagne et qui, malgré les difficultés et les obstacles, a su puiser l'eau par ses racines et influencer positivement tout le paysage.
Derrière les ombres chinoises, de la vie, dans cet espace de repos, pousse un arbre symbolique entre terre et ciel : Au sommet du triangle de la montagne, inscrit sur le tapis octogonal, le tronc dessiné sur la colonne centrale oblige le visiteur à lever la tête et à s'ouvrir vers l'octogone du ciel dans lequel se déploient les branches fleuries survolées par des oiseaux. Une des fleurs est en graine sous la forme du même labyrinthe qu'on retrouve sur le plafond des chambres.
Pour la décoration de cette zone d'attente, le YI KING proposait le chapitre 39, L'OBSTACLE suivi du 53, LE DEVELOPPEMENT GRADUEL, LE PROGRES. En voici aussi quelques extraits du premier :
« Je suis l'endroit où l'on se sent environné d'obstacles ; devant un dangereux abîme, derrière une montagne abrupte et comme la montagne je suggère également la façon dont on peut se libérer de cette obstruction.
Je représente des obstacles qui apparaissent dans le cours du temps mais qui peuvent et doivent être surmontés.
Je donne des indications sur la manière de vaincre les empêchements.
La retraite est avantageuse et non pas l'avance et l'agitation, car les obstacles ne peuvent être vaincus directement. La sagesse demande dans ce cas qu'on s'arrête et qu'on fasse marche arrière. Cette retraite prépare la victoire sur les difficultés. Il importe de s'associer à des amis et de se placer sous la direction d'un homme à la hauteur de la situation.
C'est la direction infaillible de l'élément intérieur qui apporte finalement la fortune. L'obstacle qui ne dure qu'un temps n'est pas sans valeur pour le développement de la personnalité. C'est en cela que réside la valeur de l'adversité. (...)
Le vulgaire recherche la culpabilité en dehors et gémit sur son destin (...). Grâce à ton introspection l'obstacle extérieur devient pour toi une occasion d'enrichissement et de développement intérieur. »
Le trait particulier donne un avertissement aux visiteurs :
« Tu croyais avoir laissé derrière toi le monde et ses problèmes ; devant l'obstacle il te semblerait plus simple de laisser ça et te réfugier au delà de ces problèmes! Mais cette voie t'est barrée ! Tu ne peux être bienheureux tout seul en abandonnant le monde à sa détresse. Ton devoir t'appelle encore une fois (...). Grâce à ton expérience et ta liberté de mouvement tu es capable de réaliser quelque chose de grand et de mûr qui apporte la fortune. Il est avantageux de voir le grand homme (le médecin !) en compagnie duquel tu pourras achever l'oeuvre de salut ! »
Pour se faire le conseil est de progresser (53, le développement graduel)
« Immobile et pénétrant, je mets l'accent sur l'effort personnel et moral avec le pouvoir de mettre l'ordre grâce au calme intérieur combiné avec la capacité de s'adapter aux circonstances. Mon image est l'arbre sur une montagne qui se développe lentement et se dresse solidement enraciné... Il est visible de loin et son développement graduel exerce une influence sur l'action des hommes... Il est l'exemple à suivre car toute l'influence fondée sur l'agitation serait de courte durée (...) »
Avec l'appui du YI KING et en m'inspirant des images et des conseils qu'il proposait, j'ai tenté, dans ces décorations, de donner picturalement un point d'appui positif à ceux qui sont confrontés à l'épreuve de la maladie et des soins intensifs, que ce soit les patients eux-mêmes, ceux qui les accompagnent ou ceux qui leur rendent visite.
Même si cela peut sembler difficile je souhaite sincèrement qu'ils puissent en bénéficier.